Je veux changer le monde

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DEAN ET LA BOULE A NEIGE

 

 

Il était une fois, un petit garçon prénommé Dean. Il avait neuf ans. C'était un enfant plein de joie et surtout très malicieux. Ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était de faire des blagues. Sa victime favorite, c'était Floriane, sa nounou.

 

Un jour, il avait préparé des cookies en remplaçant le sucre par du sel, avant de les offrir à sa baby-sitter jurant qu'il s'excusait pour la farce de la veille. Il avait glissé un serpent en caoutchouc dans la poche de la veste de la jeune fille. Cette dernière avait une peur bleue des reptiles. Elle était partie après sa journée de travail. Le froid était mordant, ce jour-là, elle avait donc glissé ses mains dans les poches de sa pèlerine et là ce fut le drame: Elle remarqua qu'un truc froid et visqueux dormait sous ses doigts. Interloquée, elle a sorti le truc en question. Son hurlement glaçant résonna dans toute la rue. Elle avait eu si peur qu'elle avait dérapé sur une plaque de verglas, avant de se retrouver sur le ventre, le nez cassé. Dean, derrière la fenêtre de sa chambre avait assisté à toute la scène. Hilare, plié en deux, son rire avait retenti dans toute la maison. Sa mère avait surgi sur le seuil de la pièce où il se trouvait, les lèvres pincées, rouge de colère, elle l'avait réprimandé d'un doigt menaçant:

 - Encore une bêtise dans ce genre là et ce ne sera pas des beaux cadeaux que le Père-Noël t'apportera mais des cartons remplis de charbon.

 

Dean avait pris cet avertissement très au sérieux. De ce fait, il resta sage durant quelques jours. Toutefois, c'était plus fort que lui, il recommença ses sottises. Il plaça une araignée 3D très réaliste sur le téléphone portable de Floriane.

Celle-ci fut si terrorisée, qu'elle avait lancé l'appareil qui ne tarda pas à exploser au contact du mur du salon. Dean, mort de rire gisait derrière le canapé, se tortillant de manière spasmodique en se tenant les côtes. Cependant, sa jubilation prit très vite fin quand il vit le regard noir que lui jetait la jeune femme. Il se leva doucement et fila dans sa chambre sans un mot. Jamais, elle ne l'avait fixé avec autant de colère.

 - Dean, un jour ton espièglerie se retournera contre toi! Avait-elle hurlé plus furieuse que jamais. Elle pestait à voix basse en ramassant les débris de son téléphone dernière génération. Cette fois s'en était trop, elle allait démissionner.

 

C'est le lendemain qu'elle annonça sa décision aux parents du petit monstre.

 - Mais avant, je souhaiterai lui offrir un petit cadeau. Même s'il m'en a fait voir des vertes et des pas mûres, j'ai beaucoup d'affection pour lui.

Vous êtes bien trop gentille. Il ne le mérite absolument pas, mais si vous y tenez, il se trouve à l'étage.

 

Floriane acquiesça et monta.

 

- Salut Dean. Voici, un petit cadeau pour toi avant mon départ.

- Où vas-tu?

- Je ne vais plus m'occuper de toi. J'ai...

Elle tenta de trouver une excuse, afin qu'il ne se sente en aucun cas responsable de sa démission. Il n'avait que neuf ans, donc peu conscient de ce qu'il faisait. Néanmoins, cela allait changer tout bientôt.

 

- J'ai trouvé un autre travail.

- Ok. Il n'insista pas, plus intéressé par le joli paquet doré qu'elle tenait dans ses mains que par la discussion en elle-même.

- C'est pour toi.

 

Il le lui arracha presque et déchira férocement le papier. Ses yeux s’écarquillèrent quand il découvrit un magnifique objet scintillant de forme arrondie. Il s'agissait d'une boule à neige. A l'intérieur de celle-ci, une jolie petite maisonnette en pain d'épice, tapissée de bonbons aux couleurs criardes.

Il retourna la boule une fois, puis deux. Une expression admirative se peignit sur son visage rondouillard en contemplant la neige retomber sur le petit bâtiment sucré.

 

- Merci. Dommage que tu t'en ailles. Je t'aime bien, c'est pour ça que je te fais plein de blagues.

Elle fut émue par sa déclaration, mais n'en laissa rien paraître. Elle rejoignit les parents au rez-de-chaussée, échangea encore quelques mots avec eux et partit sans un regard en arrière.

 

Le soir, à l'heure du coucher, Dean jeta un dernier regard à cette belle sphère au décor féerique avant de s'endormir profondément.

 

Le lendemain matin quand il se réveilla, la boule à neige n'avait pas bougé de la table de nuit, pourtant quelque chose semblait avoir changé. Il se frotta les les yeux, pensant être mal réveillé.

Dans le chalet pain d'épice qui, la veille était inhabité, il y avait à présent deux visages plaqués contre l'unique fenêtre du petit pavillon. Il approcha son minois jusqu'à se retrouver le nez collé contre la surface glacée de la boule en verre. Il vit plus nettement les mines effrayées calées derrière les carreaux nappés de sucre glace. Il comprit dès cet instant que ces deux individus étaient prisonniers dans la maison. En reconnaissant leur identité, il sursauta et se traîna sur les fesses à reculons loin de cette vision d'horreur qui ne pouvait pas être réelle.

Papa et maman détenus dans une maison pain d'épice, elle-même enfermée dans une boule à neige qui plus est. Ses parents étaient doublement séquestrés. Il eut une folle envie de pleurer, toutefois ce serait une perte de temps, ses parents avaient besoin de son aide, immédiatement. Il devait retrouver cette cabane coûte que coûte et les sortir de là. Déterminé, il attrapa un sac fourre-tout et le remplit de biscuits, de chocolats, ainsi que de petits sugus. Ben, oui, sa maman disait toujours que pour bien grandir et être en bonne santé, il fallait manger des fruits et des légumes. Il avait les fruits, il fallait trouver les légumes. maintenant. Il fouilla dans les placards avant d'arrêter son choix sur un paquet de chips à l'arôme de carotte. Parfait!

 

Il enfila sa doudoune, sa cagoule, ses gants, ses bottes et ouvrit la porte d'entrée, prêt à affronter le froid rigoureux qui l'attendait patiemment. Soudain, une petite voix très aiguë de dessin animé attira son attention.

 

- Attends Dean! Laisse moi venir avec toi! Je t'aiderai à retrouver tes parents.

 

Le petit garçon balaya des yeux le hall d'entrée, cherchant d'où pouvait bien émaner cette voix minuscule et stridente.

 

- Dean, je suis parterre vers le chausse-pied.

 

Il abaissa son regard et il la vit: L'araignée 3D responsable du funèbre destin du téléphone portable de Floriane. Sauf qu'elle ne ressemblait plus du tout à une image réaliste, mais à une véritable bestiole multioculaire, se mouvant aisément sur ses huit très longues pattes filiformes et d'une bouche munie de deux crochets. L'enfant hurla, avant de s'évanouir. C'en était trop, tout allait à Vau-de-l'eau depuis qu'il avait ouvert les yeux. Des chatouillements sur les joues lui firent reprendre connaissance. L'ombre d'un ventre velu passa devant ses yeux qu'il referma immédiatement, espérant que l'octopode le croirait mort.

 

- Oh! Arrête Dean. Je sais que tu fais semblant. On apprend pas à la vieille araignée à faire la grimace. Ouvre tes yeux et allons secourir tes parents!

 

Avant de sortir, Dean était remonté dans sa chambre pour récupérer sa boule à neige qui représentait l'unique indice qui lui permettrait peut-être de retrouver papa et maman.

 

Even, l'araignée était posée sur son épaule. En guise de bonnet, elle s'était chapeautée d'une petite boule de ouate. Dean avait toujours supplié ses parents d'adopter un chat ou un chien, ce qu'ils avaient toujours refusé. Il avait enfin un petit compagnon poilu. Et quand on y réfléchissait, une araignée c'était plus fun que n'importe quel autre animal de compagnie.

 

- Je ne sais pas par où commencer mes recherches. Où donc pourrions-nous trouver une telle maison?

- En Laponie, le pays du Père-Noël, bien sûr. Répondit Even de sa petite voix fluette de dessin animé.

- Parfait, c'est là que nous devons aller. Soulagé, le petit bonhomme accéléra le pas en galopant et en chantant une comptine de Noël.

- Dean, tu sais la Laponie se situe à plusieurs centaines de kilomètres d'ici.

 

Cette terrible révélation fit cesser toutes cabrioles, ses pieds se plantèrent dans la neige épars qui recouvrait le trottoir. Il prit Even dans le creux de sa main. Ce dernier était tout penaud, le regard fixant l'extrémité de ses pattes qui se tortillaient de manière malaisante.

 

- Qu'est-ce-que tu veux dire?

- Pour aller jusque là-bas, il faut prendre un billet d'avion, se rendre à l'aéroport, monter dans un avion. C'est un très long voyage et...

- Je ne suis qu'un enfant. Donc tout ça est hors de ma portée. Soupira le petit garçon désemparé. Déprimé, il s'asseya sur le bord du bitume, le dos arqué et les mains pendant entre ses cuisses. Sa moue affectée peina beaucoup son camarade poilu qui creusa dans sa petite tête pour trouver un moyen de lui remonter le moral.

- Ne sois pas triste! Je suis certain qu'il y a des maisons similaires à celle de ta boule à neige dans le coin.

 

Au même moment, un piéton fort pressé passa près d'eux, sans les remarquer, manquant d'écraser les doigts de Dean, au passage.

 

- Et mais faites donc attention, Monsieur! Fulmina Even, seulement l'individu ne l'entendit guère et poursuivit sa course effrénée, le bas du visage emmitouflé dans le col roulé de son manteau miteux.

 

 

- J'ai une idée. Et si on demandait à quelqu'un si la maison dans la boule à neige lui évoque quelque chose. S'écria Dean en se dépliant tel un ressort.

- Excellente idée. Interrogeons cette dame devant la vitrine!

 

 

 

 - Désolée mon coeur, je ne vois vraiment pas où pourrait se trouver cette magnifique maison. Néanmoins, si un jour j'en dénichais une aussi jolie, j'y emménagerai sans attendre. Elle s'éloigna, secouant la tête en ricanant.

- Je crois bien qu'elle ne m'a pas pris au sérieux.

- Elle est stupide. Allons chercher quelqu'un d'autre.

 

Even regarda aux alentours et aperçut une boulangerie. Ils furent accueillis par le son familier de la clochette suspendue au-dessus de la porte.

 

- Salut petit gars. Qu'est-ce-qui te ferait plaisir? Un pain au chocolat? Un chausson aux pommes? Bien sûr que non. Suis-je bête? Les petits gars comme toi raffolent des bonbons. N'est-ce pas?

- Je vous remercie Monsieur, mais je n'ai pas d'argent. J'ai juste une petite question à vous poser.

- Je t'écoute, cependant ne traîne pas trop! Il y des gens qui attendent. Le sourire avenant du commerçant encouragea Dean à exprimer sa requête. Il sortit l'objet sphérique de son sac à dos et le montra au vieil homme.

- Sauriez-vous où je pourrai trouver cette maison?

 

Le sourire du bonhomme se transforma en un rictus sardonique. Il se retint de se moquer de l'enfant, mais ses yeux le firent à sa place. Il s'empara de la boule à neige, la scruta minutieusement, frottant son menton de ses longs doigts tachés de farine.

 

- Laisse-moi réfléchir! Mmmmh...Oui, oui, cela me dit effectivement quelque chose. Mais c'est...bien sûr...

Dean sentit son coeur bondir de joie dans sa poitrine, il trépigna d'impatience, le sourire aux lèvres.

 

- Cette maison se trouve...L'homme interrompit sa phrase volontairement. Jubilatoire, il laissa planer le suspens quelques secondes.

- Dans les contes de fées.

Le vieux éclata de rire en voyant la mine amère et déconfite de son jeune interlocuteur. Les trois clients présents lancèrent des regards haineux au vieux commerçant qui n'y prêta aucune attention. Il continua à jacasser telle une hyène machiavélique, jusqu'à ce qu'il soit interrompu par un léger coup de rouleau à pâte sur le crâne:

- Ouch! Chocolatine, ça va pas la tête! Gémit-il.

 

Une petite femme trapue et replète le lorgnait de ses petites mirettes mesquines, ses lèvres dédaigneuses tremblaient de colère, les mains sur ses larges hanches. Sa position autoritaire incitait le vieil homme à baisser le regard comme un enfant qui aurait fait une bêtise.

 

- Napolien, espèce de vieux pruneau sénile. Laisse donc ce pauvre gosse tranquille!

 

Un gloussement discret et collectif se fit entendre.

 

- Qu'est-ce-que tu veux mon chou? Questionna-t-elle d'un ton mièvre en s'adressant au jeune garçon qui réitéra sa requête pour la troisième fois en à peine quinze minutes.

- J'ai vu cette maison, non loin d'ici.

- C'est vrai! S'écria Dean ne sachant plus ce qu'il devait croire ou non.

- Oui, tu la trouveras sur la place du marché qui en cette période de fin d'année accueille le village du Père-Noël.

L'enfant se frappa le front:

- Mais bien sûr. Pourquoi n'y ai-je pas pensé? Je m'y rends chaque année avec mes parents.

- Ravie d'avoir pu t'aider mon coeur. A ce propos où sont tes parents?

 

Cette interrogation les prit au dépourvu lui et Even qui s'était caché sous le bonnet de l'enfant, sachant à quel point les araignées étaient mal-aimées et incomprises par le grand public. L'arachnide lui chuchota une éventuelle réponse dans l'oreille, ce qu'il ne tarda pas à répéter à haute voix.

 

- Oh! Ils sont partis acheter deux ou trois bricoles à la quincaillerie d'à côté. D'ailleurs, ils doivent être morts d’inquiétude, j'ai dépassé l'heure à laquelle on devait se rejoindre. Merci encore Madame.

Il tourna les talons, à l'instant où il déposa sa main sur la poignée de la porte, Chocolatine l'interpella.

 

- Attends mon chéri! Prends ce petit pain au chocolat. Louis de l'offre pour s'excuser de son mauvais comportement de toute à l'heure. Les adultes sont un peu bébête parfois. Belle journée mon garçon.

- A vous aussi.

 

Il regagna la fraîcheur hivernale de cette fin de matinée et se rendit à la Place du Marché.

 

- Dean, tu ne trouves pas étrange que Chocolatine et Louis n'aient émis aucune réflexion quant à la présence de tes parents prisonniers dans la boule à neige?

- Ils ont à peine regarder l'objet, de ce fait, ils ne se sont pas attardés sur les détails. Moi-même, j'ai dû y coller mon nez pour découvrir que papa et maman se trouvaient dedans.

 

Even se repositionna confortablement sur l'épaule de son jeune ami avant d'arriver à destination. La Place du marché était vaste et pouvait aisément recevoir le Père-Noël, ses elfes et tout son village.

Un attelage de rennes furetaient le sol à la recherche de petits brins d'herbes survivants. Une elfe blonde, aux vêtements bariolés vert et rouge mâchaient compulsivement un chew-gum, le nez plongé dans son téléphone. Elle leur souhaita la bienvenue, sans lever les yeux de son écran.

 - Quelle insolence! Jamais un elfe ne se comporterait avec une telle indifférence, c'est révoltant. Les elfes sont des petits êtres souriants, plein de vie, amicaux qui adorent le contact avec autrui. Si l'un d'entre nous...Euh...Je veux dire l'un d'entre eux osaient se conduire comme elle, il serait renvoyé sur le champs. Fulmina Even en agitant ses pattes dans tous les sens.

- Tu as l'air de t'y connaître en elfes.

 

Embarrassée, l'araignée toussota.

 

- J'ai beaucoup voyagé grâce à mes huit pattes.

 

Ils pénétrèrent dans le village dont les odeurs agréables de pain d'épice, d'orange et de chocolat fit frémir leur estomac, ce qui rappela à Dean le bon pain au chocolat tout chaud qui se trouvait dans son sac à dos. Il s'en empara et le dévora goulûment en partageant quelques miettes avec son animal de compagnie très spécial.

 

- Dis-moi Dean! Comment s'appelle la viennoiserie que nous venons de manger?

- Un pain au chocolat, pourquoi? Elle est vachement bizarre ta question.

- Peu importe, continuons!

 

Le petit garçon lécha ses doigts chocolatés et les essuya sur ses pantalons de ski avant de continuer son exploration. L'itinéraire était indiqué par des sucres d'orge géants implantés de chaque côté du petit chemin de terre.

 

- Regarde là-bas, c'est l'atelier du Père-Noël! Allons y jeter un coup d'oeil! S'exclama Even frétillant d'excitation.

- Dès que j'aurai retrouvé mes parents, on ira où tu voudras. En attendant, notre seul et unique objectif, c'est de dénicher cette satanée maison pain d'épice.

- Je te pensais plus drôle que ça. Bougonna la petite bestiole d'un ton boudeur et frustré.

 

- Cela fait un moment que je n'ai pas vérifié la boule à neige. Qui sait? Peut-être ont-ils réussi à se libérer par leurs propres moyens.

 

Il sortit une fois de plus l'objet de neige et l'examina scrupuleusement sous toutes ses coutures. Un élan d'espoir l'envahit quand il remarqua que plus personne n'apparaissait derrière la petite lucarne sucre glace. Aucun visage affolé et aucun mouvement détecté. «RAS». Tristement, son bonheur fut bien éphémère, ses parents réapparurent, mais à l'extérieur de la maisonnette, cette fois. Ils firent le tour du dôme en frappant du poing, testant ainsi la résistance de leur geôle de verre. A présent, ils étaient retenus captifs par la boule à neige. Dean tapota à son tour la surface glaciale. Voyant ses parents plaquer leurs mains sur leurs oreilles, il songea que le bruit à l'intérieur devait être assourdissant.

 

- Courage papa et maman, je vais vous sortir de là tout bientôt.

 

Le couple paraissait avoir entendu, leurs lèvres formèrent le prénom Dean, cependant aucun son ne parvenait jusqu'au petit garçon.

 

- Dean, ça y est! La maison est droit devant nous.

 

Effectivement, la soeur jumelle grandeur nature de la petite demeure isolée dans la boule neige était apparue devant leurs yeux ébahis. Ils constatèrent qu'une longue file de visiteurs empêchaient leur progression. Hors de question de se mettre en queue de peloton, revoir ses parents représentait sa seule obsession, il fonça dans le tas et bouscula tout le monde susurrant de plates excuses, hurlant haut et fort que ses parents étaient prisonniers de cette infernale baraque et qu'il devait les secourir au plus vite. Des protestations outrées et des petits cris surpris l'accompagnaient dans son avancée, toutefois il n'en avait cure.

 

- Eh! Toi! Viens par là! Une empoignade ferme et brutale l'arrêta dans son élan avant de le traîner loin des regards indiscrets.

 

- C'est quoi ton problème mon gars? De quel droit te permets-tu de foncer dans les gens comme ça, sans aucun savoir vivre? Tes parents ne t'ont donc pas appris à attendre ton tour comme tout le monde? Où sont-ils d'ailleurs? J'aurai deux mots à leur dire.

 

Dean n'en pouvait plus, il s'écroula dans la neige et pleura à chaudes larmes. Face à cette réaction inattendue, le vigile ne sut pas trop comment réagir. Une partie de lui sentait parfaitement que ce gosse avait eu une journée très compliquée. De ce fait, sa voix et sa mine sévère s'adoucirent, il s'agenouilla à sa hauteur et déposa une main tiède et réconfortante sur son genou.

 

- Alors mon grand qu'est-ce-qu'il t'arrive? On dirait que le monde entier repose sur tes frêles épaules. Tu n'as pas l'air d'un voyou. Peut-être avais-tu de bonnes raisons d'agir de la sorte. Qu'est-ce-qui peut chagriner à ce point un petit bonhomme comme toi?

- Son papa et sa maman sont enfermés dans une boule à neige.

 

Le gros malabar tressaillit au timbre extrêmement aigu qui venait de lui répondre.

 

- Qui est là?

- C'est moi.

- Qui moi?

- Sur l'épaule du gamin, gros malin.

 

Les pupilles de l'agent de sécurité se dilatèrent d'effroi en découvrant la petite araignée parlante.

 

- Tout va bien. Un bonhomme de ta stature n'a pas peur d'une toute petite bébête tout de même.

L'individu reprit contenance, s'éclaircit la gorge et prit la parole: 

 

- Non, bien sûr que non. Ma mère m'a toujours dit que les petites bêtes ne mangeaient pas les grosses. Bref, revenons à nos moutons. Tu dis que les parents du petit sont enfermés dans une boule à neige. Tu te paies ma tête.

- Regardez par vous-même si vous ne me croyez pas.

- C'est inutile. Je suis le seul à les voir, Even. Je deviens sûrement fou. Souffla Dean avec une lassitude indubitable.

- Mais non Champion, tu es juste doté d'une imagination débordante, ce qui est tout à fait normal pour un enfant de ton âge. Profite de cette qualité, car une fois adulte on la perd avec le temps.

- S'il ne s'agit que de mon incroyable imagination, où sont mes parents? Cria Dean en jetant la boule à neige d'un geste rageur. Celle-ci se brisa en mille morceaux un peu plus loin.

 

Une scène surréaliste s'ensuivit, ses parents en chair et en os surgirent de derrière la maison pain d'épices dans laquelle il avait tenté de pénétrer en force quelques minutes auparavant. Papa et maman étaient suivis de près par une autre personne.

 

- Alors, ça fait quoi d'être le pigeon de la farce cette fois?

 

La troisième personne n'était autre que Floriane dont le sourire jusqu'aux oreilles exprimaient une victoire indubitable. 

Père et mère enlacèrent leur fils qui pleura de soulagement. Une fois les retrouvailles terminées, Floriane s'assit à ses côtés, tandis que ses parents racontaient toute l'histoire au vigile qui les félicita en riant à gorge déployée, la main appuyée sur sa bedaine opulente.

 

- Dean, tu as compris ce qu'il s'est passé? Et pourquoi ça c'est passé? Lui demanda sa nounou.

Honteux et mal à l'aise, il fixait ses pieds, jouant nerveusement avec ses doigts.

- Je pense que oui. Il y a deux jours, lors de la blague de trop, tu m'as promis qu'un jour mes sottises finiront par se retourner contre moi. Et je suis certain que c'est la raison de cette drôle de journée que je viens de passer.

- Bravo. Penses-tu avoir retenu la leçon? Terminé les farces méchantes qui ne font rire que toi?

- Oh! Oui, j'ai eu la trouille de ma vie, aujourd'hui. Promis, c'est fini. 

- Super. Tope-là! Le petit garçon et la jeune fille checkèrent, scellant ainsi la promesse que Dean venait de faire.

 

 

Je t'avoue que je suis quand même un peu jaloux.

- Ah Oui et à quel sujet?

- Au sujet de la blague inoubliable que tu m'as faite. Je n'ai rien compris à ton procédé. Mes blagues sont nulles et banales vis-a-vis de la tienne. Je veux dire comment...

- J'ai enfermé tes parents dans la boule à neige par exemple? Facile, nous sommes en 2023, rien de plus simple que de projeter n'importe quelle image de son choix dans une boule à neige via une application androïd, si on a quelques connaissances en la matière.

 

Bouche-bée, Dean la dévisagea minutieusement.

 

- Tu veux dire que cette affreuse plaisanterie est le résultat d'une vulgaire appli installée sur un téléphone.

- Hein, hein. C'est élémentaire mon cher Watson. Un sourire fier et satisfait étira ses lèvres, les rayons du soleil se reflétaient sur son appareil dentaire à peine visible.

- Et pour Even, l'araignée parlante, comment as-tu fait?

 

Son beau sourire s'effaça en une fraction de seconde, remplacé par une expression d'effroi et d'incompréhension.

 

- De quoi tu parles? Qu'est-ce-qu'un araignée vient faire là-dedans?

- L'araignée 3D qui t'a foutu la frousse de ta vie, elle a pris vie, ce matin. Elle s'appelle Even, elle m'a tenu compagnie tout au long de la journée.

- Je te jure que si c'est encore une de tes plaisanteries je...

- Je te jure que non. Even existe réellement et je vais te le prouver. Et mon pote, montre-toi!

 

Le petit farceur retira son bonnet et le retourna, cherchant désespérément son petit camarade à huit pattes, en criant son nom à plusieurs reprises, sous le regard plein de reproches de sa baby-sitter.

 

- Dean, je suis là. Cependant, ne sois pas surpris en me voyant, j'ai légèrement changé d'apparence.

- Qu'est-ce-que tu veux dire par là? Où es-tu?

 

Un adolescent de petite taille d'une quinzaine d'années émergea de derrière un épais buisson. Entre ses oreilles pointues était posé un bonnet en laine vert, blanc et rouge. Quelques cicatrices d'une acné juvénile grêlaient son doux visage, des petites tâches de son parsemaient son petit nez pointu, ses beaux cheveux aux boucles dorées retombaient sur ses yeux d'un bleu profond.

 

- Re coucou mon petit pote. Surprenant n'est-ce pas?

- Mais...mais...où est donc passée l'araignée?

- Je vais t'expliquer. Je suis un elfe du Père-Noël et celui-ci m'a infligé une punition à la hauteur de mes sottises. Tout comme toi j'étais très malicieux et faisais des blagues à longueur de journée ce qui retardait sévèrement mes collègues dans la fabrication des cadeaux, leur faisant ainsi perdre un temps précieux. Le Père-Noël m'a donné énormément d'avertissement auxquels je me montrais indifférents, donc il a décidé de sévir et m'a transformé en araignée.

- Tu vois Flo, ce n'était pas une farce cette fois-ci. Even était belle et bien une araignée.

- Le seul moyen pour rompre le charme était d'aider un enfant se trouvant sur la liste rouge de mon patron et de lui permettre de passer sur la liste des gentils. Apparemment, mission accomplie. Je vais rentrer en Laponie et reprendre mon travail avec sérieux.

- Tu l'as dit toi-même, la Laponie se trouve super loin. Il faut prendre un avion et tout, et tout.

- Les elfes ont quelques tours dans leur sac et bénéficient de quelques pouvoirs magiques. 

Les oreilles du petit lutin se mirent à effectuer des rotations en vibrant.

 

- Ah! Le Père-Noël m'appelle, je dois y aller. A bientôt et n'oublie pas, plus de blagues méchantes et cruelles. Faire des farces, c'est cool, mais utilise-les de façon qui ne nuit pas à autrui.

 

C'est sur cet avertissement que le petit être magique se volatilisa.

 

- C'était...Comment dire? Très intéressant.

- Oh! Tu sais avec tout ce que j'ai vécu aujourd'hui, plus rien ne m'étonne.

- Oui, j'imagine.

- Floriane, l'excuse du nouveau travail était bidon, pas vrai?

 

La jeune femme opina du chef.

 

- J'aimerai sincèrement que tu continues à t'occuper de moi. Tu es la meilleure nounou que j'ai jamais eue. Tu es surtout la seule qui a réussi à me tenir tête en me donnant une sacrée leçon que je n'oublierai pas de si tôt.

- Mmmmmh....Laisse-moi y réfléchir! Bon, c'est d'accord mais à une seule condition?

- Laquelle?

- Apprends-moi quelques uns de tes tours!

- A la suite de ce que tu as accompli aujourd'hui, je n'ai plus grand chose à t'apprendre, tu peux me croire.


C'est bien vrai. Et s'il te reprenait la lubie de recommencer tes sottises, ce ne sont pas tes parents que j'enfermerai dans une boule à neige. Ce sera toi, et sûrement pas dans le confort d'une maisonnette pain d'épices, ce serait bien trop beau. Non, je te piégerai dans l'infinie spirale de la chasse d'eau des toilettes.

 

 

 

 

 

FIN

 

 

 

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01/12/2023
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