Je veux changer le monde

Je veux changer le monde

Le jour où Gaïa fit un choix

Roman                                                                                                    Laeticia Skyred

 

 

Le jour où Gaïa fit un choix

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

J'ai rêvé d'un monde où la seule religion pour laquelle nous lutterions serait celle de l'altruisme, de l'entraide et de la générosité. J'ai rêvé d'un monde où la couleur de peau ne serait qu'une apparence extérieure car à l'intérieur nous serions tous égaux: deux poumons pour respirer, un coeur qui battrait, un sang rouge qui s'écoulerait le long de nos veines, six-cents muscles et un squelette blanc qui se mouvrait grâce à deux-cent-six os, un cerveau doté d'un lobe pariétal, d'un lobe occipital, d'un lobe temporal et d'un cervelet. Une âme habiterait chacun des Êtres-vivants qui vivraient sur cette Terre.

J'ai rêvé d'une monde où la seule étreinte se ferait dans l'affection et le respect. J'ai rêvé d'un monde où les animaux vivraient heureux sans craindre le cruauté de l’Homme. J'ai rêvé d'un monde où certains animaux ne subiraient pas les lumières pâles et froides des laboratoire, des tuyaux sortant de toutes les parties de leur corps dans lesquels sont inoculés des centaines de milliers de produits chimiques. Leur dernier souffle étant celui de leur totale liberté lorsqu'ils se meurent. J'ai rêvé d'un monde où les seuls cris qui résonneraient seraient ceux de la joie, de la liesse et du bonheur. J'ai rêvé d'un monde où les seules confrontation seraient celles de deux corps en plein ébats. J'ai rêvé d'un monde où la violence serait inexistante. J'ai rêvé d'un monde où la seule politique serait celle de l'Amour et de la paix. J'ai rêvé d'un monde où les gens respecteraient Gaïa et les cadeaux qu'elle nous offre. J'ai rêvé d'un monde où la forêt Amazonienne serait un site protégé dont toute la flore serait intact. J'ai rêvé d'un monde où l'être-Humain réfléchirait avant d'agir. J'ai rêvé d'un monde où l'argent n'existerait pas et qu'à la place, on partagerait avec autrui nos plus grandes valeurs, celles de l'Amour, de la générosité, de l'empathie et de la compassion, on donnerait sans compter. J'ai rêvé d'un monde où la haine n'aurait jamais vu le jour. J'ai rêvé d'un monde libre, tout simplement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

Nom de code Virus XX20

 

 

Le vieux monde se meurt,

le nouveau tarde à apparaître

et dans ce clair-obscur surgissent les monstres

 

Antonio Gramsci

 

«L'heure est grave chers amis, le Virus XX20 tue chaque jour des milliers de personnes à travers le monde. Il est extrêmement contagieux et sa dangerosité ne fait plus aucun doute. Il faut impérativement rester chez vous. Vous êtes autorisés à ne sortir qu'en cas de nécessité vitale. Pour ce faire, vous êtes invités à vous munir de votre combinaison de protection, d'un masque et d'une paire de gants prévues à cet effet. Si vous défiez cette objection, vous payerez le prix de votre impertinence. Citoyens, Citoyenne, nous sommes en guerre.»

 

D'un geste dépité, Aurélie éteint sa télévision avant d'exploser sa télécommande contre le mur. Cela fait trois mois que les nouvelles sont de plus en plus mauvaises au sujet de l'évolution de ce virus inconnu. Les mesures mises en place pour soi-disant lutter contre celui-ci se montrent de plus en plus contraignantes.

Tout a commencé le 13 mars dernier, un confinement intégral fut imposé.

Les écoles avaient fermé leurs portes, les spots des bars et des pubs ne clignotaient plus à l'unisson, beaucoup de petites boutiques ont mis la clef sous la porte. Cette triste situation provoqua une très grave crise économique mondiale, néanmoins les grandes industries à la célèbre renommée n'en pâtirent pas et continuèrent à prospérer.

Les personnalités politiques assuraient que le port du masque se montrait fortement inutile. Les gens étaient autorisés à sortir seulement pour acheter de la nourriture et des produits hygiéniques. Durant ces courtes virées, ils devaient garder une distance de sécurité d'au moins deux mètres. Les gens possédant un animal de compagnie pouvaient sans autre sortir pour les besoins de leurs compagnons. D'ailleurs, certains adoptèrent un chien juste pour avoir une bonne raison de prendre l'air. On interdisait les visites aux résidents des EMS, les vieilles âmes s'éteignaient seuls dans leur lit sans pouvoir dire un dernier Adieu à leurs proches. Aurélie imagine que ces pauvres vieux auraient préféré voir leur famille au risque de contracter le virus plutôt que d'être isolé comme des rats.

 

A la mi-mai, les cas recensés avaient diminué, les mesures furent assouplies, les établissements scolaires avaient rouvert leurs portes ainsi qu'une minorité de petits magasins englobant ceux qui avaient survécu à la déchéance économique. les néons nocturnes des bars, des restaurants et des pubs s'étaient rallumés timidement et la vie avait repris un semblant de normalité.

Néanmoins, après deux mois en isolement, quelque chose avait changé dans l'esprit de l'humanité, au lieu de profiter de ce retour à une existence plus ou moins correct, les gens étaient devenus agressifs avec leurs semblables. Les conflits que ce soit en journée ou en soirée se montraient très récurrents et les bagarres inévitables. Une véritable hostilité s'était emparée d'eux, le monde avait plongé dans un chaos indescriptible. Le vrai visage des Humains s'était étalé au grand jour, leur nature primitive s'était réveillée. Comme si cela ne suffisait pas, on leur avait imposé le port du masque et à présent la seule liberté qu'il leur reste est celle de se taire.

En plus d'être envahi par la rancœur et l'incompréhension, ce vulgaire bout de tissu ne permet plus à quiconque de décoder les émotions de leurs interlocuteurs. De ce fait, les conversations sont souvent très houleuses et se terminent parfois en une rift interminable. Littéralement, le monde est devenu fou.

 

 

 

LE JOUR OÙ TOUT S'EST FIGE

C'était quelques mois avant l'été

La peur s'est propagée

Comme un fléau dans le monde entier

Les écoles, les bars et les cafés ont fermé

Les magasins ont été dévalisés

 

Le monde est devenu un film au ralenti

Les gens étaient démunis

Même les oiseaux ne chantaient plus

Le monde avait plongé dans l'hibernation

Le temps était devenu une illusion

Le monde entier en perdition

 

Une petit bête a terrorisé la terre entière

Elle était meurtrière

Pour les personnes fragiles et sans défenses immunitaires

Finalement elle fut plus crainte que le cancer

Et croyez-le ou non, certains humains sont devenus plus solidaires

 

Pour d'autres ce fut le contraire

Leur égoïsme s'est amplifié

Et leur petite personne était devenue une priorité

Les rayons des magasins étaient vidés

La folie mondiale était devenue plus dangereuse que la raison-même de tout ce chaos

 

Dans certains pays le peuple était isolé

Loin de tout et confiné

Le taux de suicide avait éclaté le plafond

Enfermés beaucoup avaient cédé à la dépression

Alors qu'on voulait soi-disant les sauver

De la terre ils avaient préféré s'en aller

Ne supportant plus cette pesante solitude

Ils avaient choisi de prendre de l'altitude

Loin de cette aliénation planétaire

 

J'avais trente ans

Quand le monde a sombré dans les tréfonds

Heureusement, on a pu stabiliser la situation

Mais depuis cette année-là plus rien n'a été comme avant

Ce fut la fin d'un monde qui ne tournait qu'à l'argent

L'agriculture a repris les devants

La nature a repris ses droits également

Gaïa a dit "Stop, ça suffit maintenant."

 

Je suis une vieille dame maintenant

"Qu'est-ce-qui ce se passe les enfants, vous ne me croyez pas vraiment ?

Moi non plus
Sur le moment je n y ai pas cru
Et pourtant c est vraiment arrivé

Je vous ai raconté cette histoire

Afin que vous compreniez que la nature est vitale

Nous nous devons de lui être redevable

Et respecter Gaïa, notre mère à tous

 

Vous pensez que je deviens sénile

Et que tout ça n'a aucun rapporte avec ce qu'il s'est passé en mars 2020

Votre avis vous appartient

Et le temps va et vient

 

Nous ne sommes pas éternels

Mais la nature est immortelle

A chaque printemps elle renaît

Le moment présent est un cadeau

Le ciel est beau

La nature est magnifique

La vie magique

 

Je suis désolée

Je pars un peu dans tous les sens en écrivant ce texte j'ai envie de rire, de pleurer

Dans ma tête les mots se bousculent

Je ne réfléchis pas

Ils sortent dans l'ordre qui leur va

Je suis dépassée par mes émotions

Ce sont elles qui guident mon inspiration

 

Je ne maîtrise plus rien

Et mes doigts tapent ce poème instinctivement

Vous croyez que j'ai cédé à la panique

Et que je deviens totalement psychotique

Non, au contraire je prends conscience de chacune de mes respirations

Des battements qui tambourinent quelque part en moi

De toutes les cellules qui composent mon être

Du sang qui coule dans mes artères

C'est pour ça que je laisse mon cœur faire

Je réapprends à vivre le moment présent

Ce qu'on ne sait plus faire depuis trop longtemps.

 

Laeticia Skyred

 

Aurélie jette un coup d’œil à son écran d'ordinateur où s'affiche en grand son profil Facebook, une panique mondiale pollue son fil d'actualité, on ne parle que de ce virus et de ses soi-disant agissements. Une sorte de cyberguerre est née entre les pro-masque et les anti-masque, les insultes et les accusations pleuvent entre ces deux camps, la lecture des commentaires remplissent ses yeux de larmes. Son cœur semble rétrécir à la vue de ce manque de respect et à cette méchanceté gratuite que les internautes s'envoient sans aucune pitié. C'en est trop, elle éteint l'appareil et l'enferme à double tour dans un tiroir de son bureau.

Comme pour s'opposer à cette décision radicale, son téléphone portable connecté à la wi-fi résonne quelque part en direction de la cuisine, des notifications et des sms arrivent à la volée. Des amis et de la famille lui réitèrent ce qui venaient d'être diffuser au téléjournal. Comme si elle avait pu passer à côté de telles informations.

 

La peur est à son comble, dehors des gens s'insultent, une bagarre éclate entre un Homme qui porte docilement la tenue de protection et un autre qui clame haut et fort qu'il refuse de se débrailler de la sorte. Deux clans se forment de chaque côté, les moutons blancs qui se soumettent aux ordres de l'OMS en portant la tenue réglementaire et les moutons noirs qui scandent, le poing levé:

«Tout ça a été inventé, ce virus n'existe pas. Ce n'est qu'une question de pognon. Vous avez cas voir les prix exorbitants de vos panoplies de cosmonaute.»

«Bande d'égoïstes, nous protégeons les autres nous!» Le meneur des moutons noirs s'esclaffe d'un rire assourdissant.

«Depuis quand, pensez-vous aux autres? Vous vous protégez vous-mêmes oui! Et après, c'est nous qu'on traite d'égoïstes, c'est l'église qui se fout de la charité.»

 

Aurélie est hypnotisée par la scène qui se joue en-bas de sa fenêtre, elle voudrait détourner le regard, mais une force l'en empêche.

Les insultes éclatent suivies d'une bagarre d'une rare violence. Le pro-cosmonaute sort un canif de sa combinaison et l'enfonce bien profondément dans le flanc de son rival, le sang gicle et le rebelle s'écroule dans un hurlement de douleurs. C'est à cet instant que des agents de police se décident à intervenir, malheureusement il est trop tard, le blessé succombe à ses blessures en soufflant ces dernières paroles:

«Et vous osez dire que vous protégez les autres» Depuis son perchoir, Aurélie peut voir les couleurs de la victime le quitter progressivement. La jeune femme est en état de choc, elle tente de se convaincre que tout ceci n'est qu'un vulgaire cauchemar et que quand elle se réveillerait, tout irait bien. Elle entend les bribes d'une télévision émanant de l'appartement d'à côté dont le volume semble poussé à son maximum. Elle ne le supporte plus, elle se bouche les oreilles en s'égosillant. «Que se passe-t-il? Où va le monde? Qui est assez tordu pour jouir en terrorisant le monde entier? L'humanité est-elle officiellement perdue?

Elle a conscience que le monde se porte très mal depuis bien longtemps, toutefois jamais elle n'aurait imaginé qu'il tomberait aussi bas. Elle réalise que les choses peuvent toujours être pires. A cette simple pensée, une détonation résonne au-dessus de sa tête. Elle n'a aucun doute, il s'agissait d'un coup de feu. Le bruit sourd d'une chute fit trembler les murs. Elle lève les yeux au plafond, une vision d'horreur l'aveugle, une tâche rouge s'agrandit à vue d’œil. Le bâtiment dans lequel elle vit est très précaire, seul un plancher et une fine couche d'isolation sépare son appartement de celui de son voisin du troisième étage. Francis était un garçon d'une trentaine d'années, plutôt froid et solitaire au regard sombre. Des rumeurs circulaient comme quoi le jeune garçon étudiait les sciences dans un laboratoire P4. A cet instant, elle comprend que le scientifique vient de se tirer une balle dans la tête. Était-ce sa manière à lui de faire des aveux? Avait-il des informations top secrètes sur ce fameux virus? Son savoir lui aurait-il coûté la vie?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2

APPARITION DU XX20

 

La folie est de faire la même chose

encore et encore en espérant

des résultats différents

 

Albert Einstein

 

En 2019, lors de la grande incendie qui saccagea plus de la moitié d'une forêt Australienne, un koala prénommé Padou s'était enlisé dans un profond marécage en tentant de fuir. Le marécage était extrêmement sale, plusieurs centaines de déchets cernaient le pauvre animal, dont une seringue brisée contenant un liquide inconnu. En étudiant l'étrange fluide, les chercheurs ont découvert la présence d'un virus méconnu. Pour en apprendre davantage, ils l'ont inoculé à des souris afin de tester son degré de dangerosité. En l'espace de vingt-quatre heures, l'état de santé des petits rongeurs s'est dégradé. L'apparition de la maladie se manifeste par des larmes ensanglantées, tous les orifices saignent abondement, les artères, les veines et les aortes éclatent et finalement, vidé de notre sang, nous mourrons.

Lorsque cette macabre découverte fut mise à jour, une bonne partie des employés qui travaillaient à la réserve où Padou avait été confié a subi le même sort que les malheureuses souris.

Le plus curieux dans cette histoire, c'est que seuls les Humains ont péri, aucune trace du virus n'a été décelée chez les autres animaux de la réserve. Seuls trois employés sur deux-cents ont survécu à cette tragédie, comme s'ils étaient naturellement immunisés contre le XX20.

Au départ, un grand débat explosa concernant la responsabilité d'un Être-Humain accusé d'avoir permis l'apparition de ce fléau, étant donné qu'il a été découvert dans une seringue usagée.

Cependant, pour mettre fin à cette attaque injustifiée, des analyses plus approfondies furent effectuées dans le marais. La présence du virus était partout, on en a conclu que le XX20 s'était développé naturellement et qu'une petite partie s'était logée dans l'ustensile de laboratoire.

Conclusion, on affubla ce virus du nom de «Peste des marais» alias «Virus XX20»

Après avoir contaminé les employés de la réserve, il se propagea à travers toute l'Australie, tuant plus de treize millions de personnes et en quelques mois seulement, la pandémie devint une épidémie mondiale. Néanmoins, il ne touchait que les adultes, aucun enfant, ni aucun animal ne le contracta comme s'il les épargnait intentionnellement.

 

Aurélie est persuadée que ce micro-organisme a été libéré d'un laboratoire P4 avec l'intention de tuer, une espèce d'attentat bactériologique. Cette chose ne peut pas être une création de Gaïa, même si elle aurait toutes les raisons du monde d'occire l'Humanité, c'est impossible car notre Terre-Mère est remplie d'un Amour et d'une énergie pure. Certes, il lui arrive parfois de réprimander ses «Enfants» en causant des secousses ou des tsunamis qui malheureusement en tuent quelques-uns. Ce n'est pas qu'elle en aie envie, il est surtout de son devoir de générer un certain équilibre.

 

En replongeant dans cette triste réalité, Aurélie imagine que le suicide de son voisin n'est pas un hasard. Il détenait des informations classées Secret-Défense et le poids de ce savoir involontaire l'a amener à se donner la mort, car poursuivre sa vie avec cette lourde culpabilité était inenvisageable. Était-ce des aveux?

 

Son téléphone annonça une notification de la première importance émanant du journal numérique local.

 

Mercredi le 16.11.2020

 

Un couple de scientifiques qui effectuaient des études approfondies sur le virus XX20 a été retrouvé mort au domicile conjugal. L'enquête préliminaire rapporte qu'il s'agirait d'un meurtre par injection d'une quantité létale de Chlorure de Potassium. Les enquêteurs attendent les résultats des analyses toxicologiques pour confirmer leur hypothèse. Le matériel informatique du couple a été volé et leurs bureaux respectifs brûlés.

 

Plus aucun doute, quelque chose ne tourne par rond avec ce virus.

 

3

FERDINANT

 

On compare parfois la cruauté de l'Homme

à celle des fauves, c'est faire injure

à ces derniers

 

Dostoïevski

 

Il respire l'air éthéré de sa campagne natale, au loin ses vieux yeux fatigués voient un nuage de brouillard auréolant le sommet des montagnes.

La douce musique que crée le tintement des cloches accrochées au cou de ses vaches remplit son coeur d'une gratitude infinie. Chaque matin à son réveil et chaque soir avant de s'endormir, il remercie Gaïa de lui offrir une partie d'elle, il lui jure de prendre soin de ce beau cadeau jusqu'à la fin de ses jours. La nature représente son sanctuaire et sa joie de vivre. Il avait tenté la vie en ville, toutefois, cela ne lui avait pas réussi. Entre le stress urbain, l'hostilité d'autrui, la pollution, les bruits assourdissants, sans parler des klaxons qui hurlaient de 6h du matin à 22h et parfois même au-delà, les rift entre les gangs, les fêtards ivres qui flânaient dans les rues en s'égosillant à tue-tête. De toute cette agitation en avait résulté un terrible mal-être qui le plongea rapidement dans une profonde dépression. Fils de fermier, ce monde de fous ne lui ressemblait absolument pas. A la mort de son père, il aurait dû reprendre l'affaire familiale, malheureusement le vieil Homme qui venait de décédé était très endetté, les huissiers avaient devancé son seul et unique héritier et le bâtiment fut détruit.

 

Fedinant n'avait aucun pouvoir pour remédier à cette injustice et c'est l'âme meurtrie qu' il vit le travail de son père réduit à néant faisant place à un lieu de débauches et d'achats compulsifs. La ferme était devenue un Centre Commercial.

Sa vie changea le jour où il rencontra Lucie, une marchande qui déballait ses produits artisanaux une fois par semaine sur la place du Marché en Auvergne. La jeune femme vantait les mérites de sa production locale composée de lait frais, d’œufs et de fromages fermiers minutieusement élaborés. Lorsqu'il la vit la première fois, le soleil se situait haut dans le ciel et la température était plutôt douce pour un 24 février. La fermière criait si fort pour attirer de potentiels acheteurs que le marchand un peu grisé du stand voisin proposant de la pierraille en toc s'en agaça et lui ordonna de fermer son clapet car ses hurlements étaient tout bonnement insupportables et que de toute façon personne ne voudrait de sa vinasse et sa cochonnaille basse-gamme.

Le sang de la jeune femme ne fit qu'un tour dans ses veines, elle délaissa son étalage avant de se diriger à grandes enjambées vers l'ivrogne qu'elle saisit par le col de sa chemise maculée de vin et d'autres tâches indéfinissables déchirée à divers endroits. Elle colla son visage au sien en lui intimant de réitérer ses injures s'il en avait les couilles. L'Homme surpris par ce retournement de situation bomba le torse, refusant de se laisser intimider par une bonne femme, il la menaça en levant la main. Ferdinant témoin de toute la scène arriva par derrière, lui retint la main et obligea le pochetron à faire volte-face.

 

  • Vous n'oseriez tout de même pas frapper une femme?

  • C'est elle qui m'a provoqué.

  • Et menteur en plus de ça. Retournez vendre votre quincaillerie et laissez-la tranquille ou j'appelle les flics. Est-ce-que j'ai été bien clair?

 

Le marchand dont l'amour propre venait d'être bafouillé voulut rétorquer, mais sous le regard menaçant de son interlocuteur, il y renonça et reprit place derrière son étalage.

 

  • Tout va bien Madam...

  • La femme avait disparu, il balaya du regard les alentours et l'aperçut à sa place initiale, c'est à dire derrière son stand. Sur son visage, il y lut un semblant de provocation avant qu'elle ne recommence à insister sur les vertus de sa marchandise en criant encore plus fort, comme si l'altercation n'avait jamais eu lieu. Éberlué, il se demanda si toute cette mésaventure avait réellement existé où si durant un instant de rêveries il s'était imaginé toute cette histoire dans laquelle il avait incarné le super héros portant secours à la damoiselle en détresse. Il reconnut que même sans son intervention, elle aurait parfaitement contrôlé la situation. Curieux, il s'approcha prudemment de le jeune fille simulant un grand intérêt pour les produits qu'elle vendait.

 

- Arrêtez donc de tourner comme un requin! Vous voulez quoi? Des remerciements pour être intervenu? Figurez-vous que je m'en sortais très bien, j'en aurai fait qu'une bouchée de cette couille molle.

 

En entendant ces paroles pour le moins très élégantes, Ferdinant ne put réprimer un fou rire, la jeune femme ne put garder son sérieux et éclata de rires à son tour. C'est ainsi que naquit une véritable idylle entre les deux jeunes gens. Lors de leur premier rendez-vous, elle lui apprit qu'elle possédait une ferme à quelques kilomètres de là et que sa «vinasse» et sa «cochonnaille» étaient de première qualité. Il ne se passa pas beaucoup de temps avant qu'ils ne décident d'emménager ensemble dans la ferme de Lucie. Deux ans après leur rencontre hors du commun ils se marièrent. Ferdinant renaissait aux côtés de la belle agricultrice, il avait retrouvé ses racines et sa vraie place.

 

Cet amour donna naissance à deux beaux enfants, Erwann et Catherine qui aujourd'hui étaient âgés respectivement de trente-cinq et trente-huit ans, tous deux vivaient leur vie loin du cocon familial.

Erwann avait fait le choix de rester célibataire dû à son métier de policier qui comportait de grands dangers, la mort peut vous happer sans crier garde lors d'une fusillade ou face à un détraqué redoutable. Il refusait d'imaginer ne serait-ce qu'une seconde de laisser une veuve et un enfant derrière lui s'il devait lui arriver malheur. Or, cela ne l'empêchait pas de de profiter des plaisirs de la vie en se soumettant quelques fois à des aventures sans lendemain.

 

Catherine quant à elle avait fait tout le contraire de son frère, elle s'était mariée très jeune avec Christophe un jeune Steward rencontré durant un voyage d'affaires en Égypte. La jeune fille parcourait le monde entier pour dédicacer ses romans. A cette époque, elle avait connu le succès avec sa deuxième œuvre intitulée «Dans le regard d'Osiris». Avec Christophe, ils avaient eu une petite fille prénommée Tarja. Malheureusement, le jeune époux décéda dans un crash d'avion une semaine avant que sa petite fille ne fête ses deux ans laissant une veuve éplorée et une enfant qui serait à jamais privée d'un père.

La vie est étrangement faite en vérité, d'un côté nous avons un frère qui refuse toutes liaisons sérieuses, craignant les conséquences s'il devait mourir prématurément et sa sœur vit exactement ce que lui redoutait en fondant une famille.

Tarja avait huit ans aujourd'hui, à chaque vacance scolaire, elle séjourne quelques jours à la ferme de ses grands-parents pour leur plus grand bonheur.

 

Après sa petite balade du matin accompagné de son fidèle compagnon Cookie, un jeune berger australien, Ferdinant rejoint son épouse dans le salon. Lorsqu'il la découvre, Lucie est scotchée devant la télévision, les lèvres pincées, les mains tombant le long de ses cuisses, sa belle crinière grise est prise de soubresaut à chaque fois que le journaliste annonce les dernières hécatombes de ce monde.

 

  • Lucie, tout va bien?

     

    La vieille femme qui avait gardé ses belles prunelles pétillantes de jeunesse se retourne et sourit tristement à l'Homme qui partage sa vie depuis quarante-quatre ans.

  • Ferdinant, la fin de ce monde est imminente, malheureusement, je ne serai plus là pour participer au clou du spectacle. Peu de gens y survivront. Je sais de source sûre que tu es une des personnes sélectionnées pour bâtir le nouveau monde qui se prépare. Je suis si fière de toi, je t'aime mon amour.

 

Avant que le vieil homme ne puisse comprendre, Lucie lève sa main à sa poitrine, le visage déformé par la douleur, elle réussit tout de même à offrir un dernier sourire d'adieux à son époux avant de s'endormir pour l'éternité, foudroyée par une crise cardiaque.

4

PENELOPE

 

Le problème,c'est que nous vivons

dans un monde où la stupidité

est écoutée et l'intelligence ignorée

et où l'éducation n'est plus à la mode

 

Auteur anonyme

 

Aux heures de pointes, les rues sont une véritable pièce de théâtre en live. Il y a ces travailleurs pressés qui bondissent d'un snack restaurant à un autre cherchant vainement celui qui le servirait en temps et en heure.

Chaque midi, le même scénario se joue encore et encore en mettant en avant cet individu en costard-cravate attachée-caisse sous le bras accélérant le pas afin d'être le premier servi au Kebab de Mohamed qui se situe au coin d'une avenue passante entre un Mcdonald et un Burger King. Cependant, l'Homme important ne conçoit pas une seule seconde que cet objectif soit partagé par des centaines d'autres personnalités de son gabarit. Ulcéré, il s'installe en fin de file derrière une vingtaine d'autres stressés persuadés eux aussi qu'ils seraient les premiers à manger.

 

La vie citadine est une jungle, ces grands comptables, architectes, commerciaux, ingénieurs etc...se voient comme les lions qui boivent les premiers à la source, alors que ce ne sont que des fourmis vacant pour leur survie en suivant leurs semblables dans une seule et même loi universelle. Celle du temps qui passe, le costard-cravate regarde sa montre toutes les cinq secondes, le teint rougi par la frustration, sur son visage on peut y lire très nettement un agacement certain, ses poings sont serrés comme ceux d'un poupon sur le point de piquer une crise de colère.

 

A quelques mètre de là, un nouveau comédien entre en scène, ce jeune skateur qui se croit seul au monde, évitant de justesse les obstacles humains qui se dressent sur sa route. Il se fiche des insultes et des hurlements que ceux-ci lui envoient depuis le bitume sur lequel ils sont tombés en parant le jeune chauffard impassible. L'adolescent a ce regard fixe et déterminé comme s'il craignait de perdre des yeux son objectif.

 

Ce scénario urbain représente un manège qui tourne et tourne sans jamais s'arrêter dans un tourbillon enragé, tout paraît régler à la micro-seconde près, cette routine récurrente en devient parfois effrayante. Pénélope est très heureuse de s'être échappée de cette spirale infernale, la vie dans la rue connaît quelques avantages quoiqu'on en dise. Aucun compte à rendre à personne, aucune famille ne l'attend où que ce soit, elle est exemptée à s'asseoir derrière un bureau miteux où pendant huit heures la plupart des gens meurent d'ennuis et son seul rendez-vous est celui qu'elle a chaque jour avec l'instant présent.

 

  • Là! Monsieur Cravate à pois jaunes et costume bordeaux va passer devant le fleuriste dans trois, deux, un...

     

    Effectivement, un Homme correspondant parfaitement à la description surgit et déambule devant le magasin de fleurs en question. Plongé dans ses pensées, il butte contre un paquet de terreaux qui traînait par là. Il se rattrape de justesse, manquant de s'écouler sur une mère portant son bébé en écharpe. Rouge de honte, il baragouine quelques excuses avant de reprendre sa course effrénée comme si un Rottweiler aux crocs acérés était à ses trousses.

 

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11/03/2022
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